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Rare et grand coffret mamlouk en forme d’architecture à dôme. Pour un grand émir du sultan mamlouk al-Nasir Muhammad (m. 1341), Syrie ou Égypte, première moitié du XIVe siècle.
De forme circulaire en cuivre ciselé et incisé, à corps cylindrique large, reposant sur trois pieds courts, le couvercle à épaule plate surmonté d’un dôme hémisphérique, le coffret anciennement incrusté d’argent, l’épaule et le corps ornés d’inscriptions calligraphiques en thuluth sur un fond de rinceaux stylisés ponctuées par des médaillons circulaires ornés de palmettes, le dôme d’une inscription en naskh ponctuée par des médaillons en forme de mandorle se prolongeant par des fleurons formés par des demi-palmettes bifides, le rebord du couvercle et la base du dôme incisés de motifs de tresses, le couvercle fixé au corps par deux belles charnières décorées d’oiseaux affrontés en vol, deux autres bras pour le loquet, marques de soudures sur le dôme où semblait avoir été ajoutée une décoration, restaurations mineures, quelques petits manques, déformations, un pied manquant, éraflures.
Dim. : 29,5 cm (diam.), 21 cm (haut.)
Inscriptions
Sur le dôme : al-maqarr al-ali al-maw/lawi al-amiri al-kabiri / al- ‘alimi al-‘amili / al-Maliki al-Nasiri (” Sa Haute Excellence, le seigneur, le grand émir, le savant, le pratiquant, [le serviteur] d’al-Malik al-Nasir “)
Sur l’épaule : al-maqarr al- ‘ali al-mawlawi / al-amiri al-kabiri al-‘alimi / al- ‘amili al- ‘adili al-muja/hhidi al-Maliki al-Nasiri ‘azza [ansarahu] (” Sa Haute Excellence, le seigneur, le grand émir, le savant, le pratiquant, le juste, le champion de la foi, [le serviteur] d’al-Malik al-Nasir [que ses victoires soient glorieuses] “)
Sur le corps : al-mawlawi al-amiri al-kabi/ri al- ‘alimi al-‘amili / al-kamili al-kamili / al-Maliki al-Nasiri (” Le seigneur, le grand émir, le savant, le gouverneur, le parfait, [le serviteur] d’al-Malik al-Nasir “)
A Rare and Large Mamluk Domed Round Casket, in the name of an Emir of Sultan Al-Nasir Muhammad (d. 1341), Mamluk Syria or Egypt, First Half 14th century
Demeuré inédit jusqu’à ce jour, ce coffret fait partie d’un ensemble très restreint de boites circulaires en forme d’architecture à dôme produits durant la période mamlouke. Quatre autres exemples à la typologie identique nous sont connus : trois sont conservés dans des institutions publiques à Doha (Museum of Islamic Art, MW.468.2007), Jérusalem (L. A. Mayer Museum for Islamic Art, M 144-71) et Saint-Pétersbourg (Musée de l’Ermitage, EG-765 a,b), un quatrième, provenant de la collection P. H. Delaporte, consul général au Caire (1848-56) est passé en vente les 3 et 4 mars 1986 à l’Hôtel Drouot (Ader Picard Tajan, lot 338). Au sein de cet ensemble, deux groupes différant par leurs tailles se distinguent : d’un côté les boites de Doha et Saint-Pétersbourg, de petit diamètre (10,5 et 11,5 cm) et ne possédant pas originellement de lanternon, de l’autre, les coffrets de Jérusalem, de la vente parisienne et le nôtre, dont le diamètre est plus important (respectivement 37,5 ; 31,5 et 29,5 cm) et dont le dôme était surmonté d’un lanternon, qui n’a pas été conservé dans le cas de notre boite.
Celle-ci, à l’instar des quatre autres exemples, est datable de la première moitié du XIVe siècle et plus particulièrement du règne du sultan al-Nasir Muhammad (r. 1293-1341). En effet, les inscriptions en naskh et en thuluth qui courent le long du dôme, de l’épaule et du corps donnent la titulature d’un grand émir (al-amir al-kabir) anonyme, issu de la maison du sultan al-Nasir Muhammad. La même titulature apparait sur le coffret vendu à Paris en 1986 dont les proportions, les charnières et le décor quasiment identiques à ceux de notre boite, indiquent que les deux œuvres ont vraisemblablement été produites par le même atelier, peut-être en vue d’être offertes par le sultan lors de la nomination d’un émir de haut rang. L’absence totale de chinoiserie, dont les premières occurrences apparaissent sur les métaux mamlouks dans les années 1325, invite à dater ces deux boites des premières décennies du XIVe siècle.
Ces coffrets, qui s’inscrivent dans la vogue des objets adoptant des formes architecturales, diffèrent néanmoins drastiquement par leurs proportions de leurs homologues produits dans le monde persan (on peut mentionner par exemple les boîtes du Walters Art Museum, no. 54.516, et du musée du Louvre, OA 3355). Les œuvres mamloukes se distinguent en effet par un corps circulaire bas, une épaule large et très légèrement inclinée et un dôme hémisphérique. Elles rappellent par leur profil l’un des monuments les plus sacrés du monde islamique, le Dôme du Rocher à Jérusalem. Ce monument à l’histoire mouvementée a fait l’objet en 1318-19 d’une restauration importante de la coupole et du dôme, une vaste entreprise lancée par le sultan mamlouk al-Nasir Muhammad. Si l’on se gardera de dresser des parallèles abusifs, il est frappant de constater que l’ensemble des cinq coffrets affichent des inscriptions soit au nom du sultan (Saint-Pétersbourg et Doha) soit aux noms d’émirs issus de sa maison (Jérusalem, vente parisienne et notre boite). Aussi si la fonction de ces coffrets demeure à ce jour mystérieuse, certains chercheurs ayant émis l’hypothèse qu’il s’agissait de boite à encens, peut-être peuvent-ils être compris comme des objets commémorant l’engagement du sultan mamlouk dans la restauration du Dôme du Rocher.